vendredi 21 mai 2010

« I'm Doing This Because I Want To Do It BETTER »

Pas plus tard qu'hier soir, je suis allée au Centre Pompidou (le jeudi, c'est le jour bien aimé des visites nocturnes) pour y découvrir la nouvelle exposition temporaire du sixième étage : Dreamlands (5 mai - 9 août).
Moi au début, forcément, j'avais ma petite idée sur la question. Dreamland -j'en avais souvent entendu parler- c'est le parc de Coney Island, dans l'état américain de New York, qui était vraiment dingue (on peut parler d'architecture du sensationnel, là) mais qui a été détruit par un incendie en 1911.
Et Coney Island, dans l'imaginaire collectif des jeunes gens qui s'intéressent plus à la musique et au cinéma qu'à l'architecture, ça fait directement penser à Lou Reed, baby, et à Requiem For A Dream. Mais ça donne déjà le ton.
Ainsi, c'est un univers quelque peu déroutant qui se matérialise devant nos yeux. Dans lequel l'imaginaire et la réalité se confondent. Tout ces nouveaux "dreamlands", qui cherchent à mêler rêve et divertissement et qui nourrissent les utopies et la création artistique, s'inscrivent dans le cadre d'une société de loisirs et s'imposent aussi comme de nouvelles normes urbaines et sociales. D'où l'exemple des métropoles récentes comme la ville de Shanghaï et son projet de neuf villes reproduites à l'intérieur. Un Disneyland pour adultes en somme. Les salles consacrées à Las Vegas et Dubaï sont assez révélatrices de ce genre de mutation urbaine. L'architecture à thème le long du "Strip" de Vegas, jusqu'au pastiche et au kitsch, est présentée finalement comme une colonisation du réel par la fiction.
Le début de l'exposition (parce qu'il aura fallu commencer par là) nous plonge dans le cadre des expositions universelles, avec notamment le pavillon de Salvador Dali pour la Foire internationale de New York de 1939. De l'art immergé dans la culture de masse, volontairement.
Parmi les oeuvres exposées, retenons, entre autres : une ville artificielle créée à partir d'os à mâcher pour chien ("Like it, Bite it!") ; un Balaiffel (balai en forme de Tour Eiffel qui a amassé un troupeau de petites Tour Eiffel souvenirs) ; un paravent représentant le derrière du panneau Hollywood (et de l'autre côté : il n'y plus rien, d'où le jeu du support-surface qui se retrouve également dans la ville elle-même) ; des tours de Manhattan présentées comme des automates faisant une sorte de gym tonique déconcertante devant un tas de détritus (matière avec laquelle les tours sont elles aussi formées) ; des photos d'objets courants qui sont positionnés de façon à représenter des monuments ou lieux célèbres ; un espace dédié à Kandor, capitale de la planète d'origine de Superman, Krypton ("la cité utopique du futur qui n'a jamais vu le jour").
À la fin des années 1950, le célèbre Walt Disney en personne, passionné d'urbanisme et de nouvelles technologies, imagine une cité du futur : EPCOT (Experimental Prototype Community Of Tomorrow) dont les dessins et maquettes sont visibles. « It's like the city of tomorrow ought to be. A city that caters to the people as a service function. It will be a planned, controlled community, a showcase for American industry and research, schools, cultural and educational opportunities. » Finalement, le projet s'éteint en même temps que son auteur, avant de resurgir en 1982 sous la forme d'un parc à thème.
Pour finir, un court-métrage très "ville-fantôme", dans lequel une ville créée ex nihilo est filmée pendant 26 minutes, reprend le titre de la ville érigée sous l'égide de la société Disney au début des années 1990 (Celebration). Encore une fois, le résultat est très flippant.
Dreamland brûle. Villes-décor, villes-collage, le reste suit "naturellement". Du copier/coller dans une monde à l'ère de sa reproduction. Démocratisation de la culture, utopie ou crise des représentations ?
Dreamland brûle.

1 commentaire:

  1. Bravo
    Ecriture épatante, exposition que l'on a envie d'aller voir et principalement la ville en os à mâcher pour chien...

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