samedi 22 mai 2010

"France is the only fucking place to eat cheese"

Je crois que je n'ai jamais rencontré d'artiste plus sympathique et accessible que les membres de ZAZA. Groupe originaire de Brooklyn ils assuraient la première partie des Black Rebel Motorcycle Club en Europe et leur musique délicieusement teintée d'un psychédélisme planant nous avait séduit. Nous avons donc profité de leur passage à la Coopérative de Mai pour rencontrer Danny et Jennifer. Et parler de fromage, évidemment.
Le Kiwi: Comment se déroule la tournée jusque là? Danny: Fantastique. Jennifer: Comme dans un rêve. C'est une expérience tellement différente de pouvoir partir en tournée avec des gens qui sont vos amis et avec un vrai public qui comprend vraiment votre vision. C'est incroyable parce qu'à New-York il y a une vraie scène qui s'est construite et je ne dirais pas que nous en faisons partie mais j'ai l'impression que les publics ont été tellement respectueux et réceptifs sur cette tournée... C'est juste beaucoup de compréhension donc ça a vraiment été génial pour nous. Et parfois j'ai l'impression que l'Amérique nous perd un peu. Danny: Ouais les gens ici apprécient juste plus la musique en concert. Nous sommes alors interrompus puisqu'il était temps pour le groupe d'aller faire les balances. Nous les retrouvons donc un peu plus tard. Le Kiwi: Quelles sont vos principales influences? Danny: L'un et l'autre. (rires) Jennifer: Oui l'un et l'autre et je suis très influencée par tout ce qui est lié à l'art, l'art visuel, le nouvel art gothique, les vampires. Pour plaisanter on dit toujours qu'on est une bande de vampires en train de rôder tout habillés en noir. Je suis très inspirée par New-York, New-York est très inspirant, il y a énormément de mouvement et de vitesse et je suis inspirée par les gens qui font la merde qu'ils ont envie de faire. Danny: Je suis très inspiré par l'émotion, les choses qui ont un réalisme émotionnel. Il y a beaucoup de musique qui est très bien faite techniquement mais à quoi il manque une vraie âme. Quelque soit le genre, shoegaze, dance, rock'n'roll ou techno. Peu importe. Le style peut être aussi bien gothique ou new wave à partir du moment où l'artiste met de l'émotion dans son travail et que l'on peut voir ou entendre cette émotion, c'est ce par quoi je suis attiré. Ce n'est pas un genre, un groupe ou une personne en particulier, c'est la façon de penser qui à mes yeux fait de l'art quelque chose de bien. Jennifer: De la sincérité oui. Danny: Même si c'est fait avec les moyens du bord, que c'est un gribouillage ou quelqu'un qui chante faux, du moment qu'il y a de l'âme dedans, c'est ce qu'il y a d'important. Le Kiwi: Dans votre musique êtes-vous influencés par un auteur quelconque? Jennifer: Tout à fait. Les livres sont mes amis, mon premier grand amour. J'ai vraiment beaucoup été influencée par Anne Rice ces derniers temps, c'est cette romancière célèbre qui a écrit sur les vampires et les sorcières, c'est assez cool. Danny lit tout ce qui a trait à la socio-politique. Je lis principalement des biographies ou des romans d'amour. Je viens de lire l'autobiographie de Patti Smith qui s'appelle Just Kids. C'était brillant et superbement écrit. Ca parle du mouvement artistique progressiste de New-York à la fin des années 60, Andy Warhol, Jimi Hendrix, The Velvet Underground, toutes ces petites histoires rigolotes à propos de Jim Caroll, l'auteur, c'est simplement génial. Donc j'ai vraiment été inspirée par ça dernièrement. C'est rattaché à New-York et à ses icônes. C'est un endroit tellement magnifique, plein de ces personnages puissants qui produisent beaucoup. Danny: Des auteurs? Beaucoup de ce que je lis sont des dystopies et de la science fiction -pas de la science fiction de comptoir cependant- parce qu'avec la science fiction, en particulier, beaucoup des idées qui sont développées sont à propos des problèmes sociaux actuels, et parfois même développent des idées romantiques mais celles-ci sont présentées différemment. Quand tu écris des chansons c'est en quelque sorte la même chose que tu fais, tu prends quelque chose de relativement simple et tu le manipules tellement que c'est encore ça mais avec une présentation différente. Mais Jenny est la vraie lectrice. Je suis l'écrivain. Elle corrige beaucoup ce que je fais, me dit si c'est mauvais ou si c'est de la merde. Jennifer: Je ne dis jamais que c'est de la merde mais "tu peux mieux faire". Danny: C'est bien d'avoir quelqu'un pour corriger, je fais la même chose avec le travail de Jenny. Jennifer: Ce que j'écris est toujours parfait. Non je plaisante. (rires) Danny: Je ne sais pas, peut être que je ne suis simplement pas suffisamment intelligent pour lire. J'essaye de lire l'Enfer de Dante. C'est pas que ce n'est pas bon, ça va, mais je ne prends pas de plaisir à lire ça. Mais je peux finir un livre de science fiction en un peu près trois heures même si je suis supposé faire quelque chose d'autre. Je m'assoie et Jenny essaie de me faire sortir ou de répéter. Avec n'importe quel autre livre je finis par m'endormir. Jennifer: C'est quelque chose qui vient avec l'âge, quand on commence à accepter ce qu'on aime vraiment au lieu de ce qui a l'air d'être cool. J'étais du genre à dire "j'adorerais lire Ulysse de Joyce ou la Bible" mais je ne l'ai pas fait parce que ça ne m'intéresse pas vraiment. Pour la première fois de ma vie, je préfère admettre qu'Anne Rice et les vampires m'obsèdent. Plus on lit ce genre de littérature, plus l'estime qu'on en a augmente. Ce que je veux dire c'est qu'on doit juste aimer ce qu'on aime. Danny: C'est la même chose avec la musique. Parfois les gens sont du genre à dire "tu devrais écouter ce truc de jazz d'avant-garde ou de noise". Jennifer: Je me rappelle que tu m'as dit que tu détestais le jazz d'avant-garde du genre "je déteste vraiment ça putain". Danny: Tu as l'impression d'avoir la pression pour arriver à le comprendre. Je ne dis pas que c'est mauvais, je ne le pige pas. Donc pourquoi je dépense tout ce temps à essayer de comprendre ça alors que ça ne représente rien pour moi? Jennifer: C'est une longue réponse. Le Kiwi: Comme vous êtes de Brooklyn, pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y a tant de groupes de là-bas? Jennifer: Parce qu'à Brooklyn il y a de l'espace. Manhattan est simplement surpeuplé. Et à l'origine, Brooklyn, ce sont de vieilles usines transformées en loft ou en espace de répétition donc tous les artistes sont partis de Manhattan pour Brooklyn parce que c'est plus abordable financièrement et qu'il y a plus de place. C'est probablement pourquoi il y a un tel mouvement là-bas. Mais je pense qu'émotionnellement et artistiquement c'est la même chose qu'on a pu dire de New-York. Les gens vont à New-York comme pour aller voir un monument. Tout le monde va là bas. Le Kiwi: Comme pour Berlin. Jennifer: Ouais, parce qu'il y a juste un mouvement qui a lieu là-bas et New-York a eu une activité assez stimulante pendant des décennies. Danny: Ca bouge en quelque sorte tout autour de la ville. il y a quelques années tous les artistes venaient de l'East Village, après ça a été le Lower East Side... Je suis sûr qu'il y a ce même mouvement d'artistes qui déménagent dans des endroits abordables à Londres ou à Paris. Puis ces endroits sont exploités par les entrepreneurs, des gens plus riches enménagent et font partir les artistes qui vont dans un autre endroit abordable et ça recommmence comme dans un jeu entre un chat et une souris. Actuellement Brooklyn est assez abordable mais c'est en train de devenir cher, je pense que le processus est déjà en cours. Maintenant tout le monde déménage pour le Queens parce que c'est là où se trouvaient tous ces complex avec des studios et des salles de répétition. Mais je pense qu'il y a quelque chose à New-York qui attire les jeunes artistes américains, quelque chose de spécial. Quelqu'un me racontait qu'il y a des cristaux sous Manhattan, quelque chose comme un magnétisme. Enfin je ne sais pas vraiment, il y a vraiment quelque chose de spécial avec cette ville. Quelque chose dans l'eau. (rires) Le Kiwi: Votre EP, Cameo, était téléchargeable gratuitement sur votre site internet. Quel futur pensez-vous qu'internet réserve pour les groupes de demain? Jennifer: On nous pose beaucoup cette question en fait. Danny: Je pense qu'internet est vraiment un outil génial: il permet un grand nombre de possibilités et je pense que c'est désormais aux artistes de l'utiliser de façon individuelle comme un outil. Juste parce qu'internet existe ne signifie pas que les choses sont plus simples ou plus difficiles. C'est juste la façon dont vous l'utilisez à votre avantage. Les gens disent que la musique sur internet signifie la mort de l'album. Je pense que pour beaucoup de groupes l'album est plus important à faire parce qu'avec les fichiers mp3 tout est réduit à trois minutes. Ce n'est pas la façon dont tu comprendras un groupe, ce n'est pas la façon dont tu comprendras ce sur quoi ils ont travaillé pendant un an et tu ne peux pas faire l'expérience d'acheter l'album entier et de l'écouter pendant 45 minutes, une heure ou une heure et demie. On a fait ce que Radiohead avait fait, proposer notre album gratuitement ou pour un prix quelconque et dont on ne peut pas séparer les chansons pour les acheter individuellement. C'était mon plan à l'origine, mais ça a un peu foiré puisqu'on a fini par les mettre sur itunes, donc maintenant on peut acheter les chansons individuellement. Il y a l'industrie et les gens qui lui font faire des choses, parce que l'industrie ne cherche qu'à faire des profits et ils feront tout dans ce but. S'ils proposent plus de chansons de façon individuelle et que les gens les achètent comme ça, ils continueront de fonctionner de cette manière. Mais si l'artiste dit "non, nous voulons avoir ces choses sur lesquelles on a travaillé" et qu'ils demandent et se battent pour ça l'industrie l'acceptera. Mais une fois de plus c'est entre les mains des groupes. Je veux dire l'électricité ou l'internet sont des choses géniales mais je le redis, ce ne sont que des outils. C'est le genre de réponse que vous vouliez? J'essaye de ne pas être long ou de vous donner une réponse de 10 minutes donc j'espère vous avoir répondu quelque chose d'utile. Jennifer: Il me dit que mes réponses sont trop courtes et les siennes trop longues. Ouais enfin, je ne suis pas tellement d'accord avec Danny... Danny: Vicieuse! Jennifer: Je pense simplement que tout est un outil qui doit être utilisé dans toute leur capacité. Je me rappelle quand je commençais à m'intéresser à la musique et il y avait tous ces fanzines et on devait aller chez nos potes pour pouvoir écouter de la musique et les enregistrements. On ne pouvait pas simplement aller sur le MySpace et écouter comment le groupe sonnait pendant deux secondes. Tout est immédiat. Il y a une immédiateté mais votre soif de nouveauté est constante et en même temps c'est pas très exitant. Pour Zaza on s'intéresse de près à l'artwork. D'habitude on joue nos concerts avec l'artwork que nous réalisons mais on ne pouvait pas l'emporter avec nous en Europe. On essaye également de communiquer d'une manière intelligente avec les gens qui s'intéressent à notre musique et d'avoir un esthétique globale. Ce que je veux dire c'est que tout est pensé est calculé pour Zaza parce que tout est si facilement accessible. On joue toutes nos chansons avec une énergie différente en live par rapport aux chansons studios et on veut que ce soit un aspect intéressant de venir voir un groupe en live. Vous savez, c'est pas comme si vous veniez nous voir et que c'est la même chose que sur notre CD. Ce n'est pas intéressant du tout. Nous sommes intéressés par comment on peut s'éloigner de tout ça, comment utiliser l'accessibilité de l'internet par ses côtés positifs et également comment sortir de l'infrastructure de l'internet. Le Kiwi: Quels sont les groupes que vous écoutez en ce moment? Jennifer: On aime vraiment Fever Ray. Danny: Fever Ray ouais. Jennifer: j'aime vraiment le dernier album des Raveonettes. Il n'y en a pas énormément en fait. Je veux dire on a énormément écouté le Black Rebel, tous les soirs, et c'est tellement inspirant. On les regarde jouer 2 heures tous les soirs et on est jamais là à faire "Oh mon Dieu", mais "bordel!", tous les soirs. Donc les Raveonettes, Fever Ray, The Kills, The Black Ryder qui sont d'Australie et qui sont un groupe fantastique. Danny: Health... Jennifer: Je pense que c'est tout, mais j'essaye de penser à ce qu'on aime mettre sur la route avec l'ipod. Le Kiwi: Beyoncé? (nous avions en effet parlé de l'amour que Jennifer portait de manière curieuse à Beyoncé hors interview) Danny: Justin Timberlake. Jennifer: Non, j'écoute pas tellement Justin Timberlake ou Beyoncé, juste suffisamment pour leur piquer des rythmes. Danny: On s'intéresse tous les deux beaucoup aux groupes de Brooklyn, Yeasayer par exemple. Jennifer: J'aime tellment de groupes, c'est ridicule, mais là où on vit on voit Yeasayer, TV On The Radio, Blonde Redhead, Sonic Youth... Tu sors et tu tombes sur ces personnes qui vivent à New-York, c'est génial. Danny: Yeasayer répète au même endroit que nous, ils sont de l'autre côté du mur. Leurs répétitions sont toutes fantastiques. C'est comme regarder Black Rebel sur scène, les voir faire tout ce qu'ils font c'est... Jennifer: Tous les soirs ils donnent tout alors que nous on est crevés. Avant de monter sur scène ils se donnent des baffes, sautent partout pour faire couler un peu de sang. Et moi je suis là: "peut être que je devrais laisser Danny me donner des baffes. Oh non, ça abîmerait mon maquillage". (rires) Danny: c'est la même chose avec Yeasayer et c'est pour ça que je dis que ce groupe est inspirant. Ils viennent dans le studio de répétition et y travaillent tout le temps qu'ils y sont. La plupart des groupes viennent à quelque chose qui ressemblerait à une répétition, boivent de la bière, traînent et enfin, jouent peut être de la musique. Enfin, si tu travailles sur quelque chose dans l'optique d'une carrière et que c'est quelque chose que tu veux plus que tout au monde, tu dois quand même te comporter de manière professionnelle. Mais il y a plein de glandeurs. Comme le dit Jenny, les Black Rebel sont incroyables, la masse de travail qu'ils font, pendant 6 mois de l'année lorsqu'ils ne sont pas en studio... Le Kiwi: Nous n'avons plus que des questions qui nécessitent une longue réponse, donc peut être pouvons-nous vous en poser une très stupide. Jennifer: Demandez nous ce que vous voulez! Le Kiwi: Que pensez-vous du fromage français? Jennifer: Fantastique! Oh mon Dieu, c'est super bizarre, on parlait de ça juste avant, c'est trop bizarre que vous nous posiez cette question! On disait que la France est le seul putain d'endroit pour manger du fromage. Danny: c'est pas seulement le fromage, c'est Tout. Jennifer: Tout est tellement délicieux. Danny: il n'y a pas d'hormones ou des produits chimiques bizarres, même vos oranges ont un meilleur goût. Jennifer: On va en manger de suite! On aime vraiment vraiment vraiment ça. Je suis folle de fromage aujourd'hui. Tellement délicieux. Rien d'autre ne m'intéressait. Votre fromage est tellement bon, c'est incroyable. Danny: Il devrait y avoir des distributeurs de fromage comme ceux de Coca-Cola aux Etats-Unis. Jennifer: On parlait de fromage à l'étage tout à l'heure et on était en train pleurer en remerciant le ciel pour le fromage français. En fait j'adorerais en manger maintenant. Le Kiwi: Ouais, Clermont-Ferrand est un endroit où il y a beaucoup de fromage. Jennifer: Oh vraiment? La prochaine fois, ramenez-moi en un. Non, je plaisante. Non mais c'est vraiment cool. Si je pouvais je prendrais mon sac et j'en ramènerais un dedans. Le Kiwi: Ca pue un peu quand même après... Jennifer: Ca vaut le coup. On adore ça.
Crédit photo: Angel Ceballos

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire