lundi 21 juin 2010

"Comment on va appeler ça?"

A Clermont-Ferrand il existe un label de qualité et avec un intérêt assez porté sur les univers entourant les artistes qu'il signe. Que ce soit pour Leopold Skin, The Delano Orchestra, Pastry Case, St Augustine ou plus récemment Soso, Hospital Ships et Evening Hymns, tous ont créé et défendent un univers qui leur est propre. Le Kütu Folk Records, dont les magnifiques pochettes cousues sont reconnaissables entre mille et son actualité plus que riche nous a incité à rencontrer dans ce qui a de plus en plus ressemblé à un véritable entretien le manager du Kütu Folk Records et chanteur/guitariste au sein du Delano Orchestra, tellement que nous vous le proposons en plusieurs parties -t'as vu comme on prend soin de notre lectorat sur le Kiwi.
Le Kiwi: Quelles sont vos impressions par rapport au Lündi Kütu qui a eu lieu il y a 2 jours?
Alexandre: J'ai trouvé que c'était assez troublant comme expérience, c'était vraiment, oui en fait, une expérience. La danse mêlée à l'écoute de l'album, ça a un peu divisé au sein de l'équipe, un peu polémique sur le fait de savoir si la danse prenait pas le pas sur l'écoute et si on avait pas pris en otage les gens par rapport à tout ça. Mais si c'est de mon point de vue je suis satisfait parce que j'aime bien essayer d'être exigeant avec le public, avec nous mêmes aussi. Donc voilà il fallait un peu de préparation, un peu d'exigeance, c'était le premier, les autres auront une autre forme, une autre tournure. Y'aura de la vidéo c'est sûr, y'aura plein de trucs.
Le Kiwi: Pourriez-vous introduire le label à nos lecteurs?
Alexandre: On a créé le label avec Damien de Leopold Skin. Au départ, on avait quelques noms de groupes à peine, on avait un monté un projet en une semaine qui s'appelait 20206. Donc c'était au mois de février, on avait enregistré un petit album, un petit EP tous les deux, c'était un truc où il y avait une sincérité qui se dégageait de tout ça. On avait juste eu l'envie de le sortir, d'en faire une petite vingtaine d'exemplaires et donc ça été très vite, on a dessiné sur des pochettes carton et puis on s'est dit « tiens on va essayer de le sortir comme ça » . Puis on a plié une pochette et on s'est dit « tiens on a qu'à les coudre et on va les amener chez Spliff (disquaire indépendant de Clermont, ndlr) et puis aller chez Gibert et à la FNAC ». Ca a commencé comme ça, et après chacun a fait ses disques personnels et donc on a toujours pris cette forme là et c'est donc cette soirée là quand on avait fini d'enregistrer et tout qu'on s'est dit « comment on va appeler ça? » et « on va appeler ça Kütu Records » à cause de ce lien avec les pochettes cousues. Et en fait je crois qu'on sentait déjà un truc, nous on aimait l'objet disque. Enfin Damien il dirait plutôt qu'il aime l'objet vinyle maintenant et qu'il en a marre des disques et tout ça. Moi je trouve que c'est important d'avoir un objet quand on écoute la musique et du coup que l'objet soit différent c'est important et le label quand on le définissait avec Damien, on voulait que ce soit des musiques sincères. Du coup des choses qui viennent d'une personne, que ce soit assez personnel, très sincère. Et donc voilà on a commencé à travailler avec des artistes qui étaient plus de la région donc François de St Augustine qui était déjà dans l'aventure, même quand on a créé le truc et Bertrand de Pastry Case est arrivé un petit peu après. Les choses ont avancé un peu et en 2009 on s'est dit « on va essayer de concrétiser tout ça, on va vraiment sortir les disques au niveau national », donc on a trouvé un distributeur, des petits distributeurs à l'étranger aussi, et toujours en essayant de garder cette ligne de conduite. Et c'est vrai qu'après il faut essayer d'aller chercher d'autres groupes et on a fait des choix tous ensemble toujours sur cette même lignée de groupes qui défendent une musique qui est personnelle. Alors le folk pour nous c'est plus la sincérité.
Le Kiwi: Et ces nouveaux artistes c'est vous qui allez les chercher ou c'est eux qui vous contactent?
Alexandre: On a tous été les chercher. Pour Evening Hymns on les connaissait via Magic qui nous avait dit qu'ils était en recherche de label et ils leur avaient dit « y'a Kütu Folk ça peut être bien ». Là, récemment y'a des artistes qui me contactent, ça a jamais correspondu à nos choix mais des fois c'est un peu mélangé, on sait plus trop qui a contacté l'autre en premier mais là pour les 3 sorties qui arrivent, donc Soso, Hospital Ships et Evening Hymns on les a plutôt contacté.
Le Kiwi: Le visuel semble avoir une grande place au sein du label, c'est vraiment important pour vous?
Alexandre: En fait, je peux pas croire qu'un artiste qui fasse de la musique et qui la fasse quand ça vient vraiment au fond de lui, que c'est vraiment personnel et tout ça, qu'il ait pas envie de travailler aussi sur tout ce qui entoure sa musique. Et que ce soit pour la vidéo, les types de pochettes et tout ça. C'était une sorte d'exigeance de base du label de dire que les pochettes doivent être dessinées intégralement par l'artiste. Enfin y'a pas de raison que l'artwork soit fait par une autre boîte. Comment une autre personne peut s'approprier le travail et la musique de l'artiste alors qu'il peut le faire, même s'il dessine mal, il doit au moins aller au bout de son truc et nous c'est ce qu'on demande et c'est ce qu'on exige aussi des artistes étrangers en fait. Après chacun a ses domaines de prédilections, François de St Augustine il dessine beaucoup donc c'est une bonne occasion. C'est pareil pour les clips, au départ y'a eu des propositions et des clips qui ont été fait et puis en fait non c'est pas possible ça correspond pas aux images que j'avais de la musique. Je commence à faire des clips, un film pour le prochain album, en fait je fais un film intégral.
Le Kiwi: Comme vous êtes très impliqués dans le visuel, est-ce que vous avez pour projet de sortir un peu de ce rôle de label et de faire des expos avec des dessins, quelque chose de plus graphique?
Alexandre: J'y pense beaucoup. Parce que je crois que le CD c'est un peu fini et qu'il va falloir offrir aux personnes qui sont intéréssées à la musique d'autres choses. Et donc y'a plein de projets qui sont liés à ça avec d'autres artistes de travailler sur l'art, le dessin, tout ce qui est externe à la musique en fait. On a déjà exposé les dessins de François au musée d'art Roger Quillot.
Le Kiwi; Ce qui est étonnant c'est que parfois, des gens sur Clermont vous connaissent pas alors que vous faites pas mal de choses...
Alexandre: Moi je trouve ça très sain que justement on soit pas très connus. Je trouve ça sain parce qu'à un moment on a fait vraiment beaucoup de concerts sur Clermont, au début on faisait venir d'autres groupes et tout ça. Et presque je trouve qu'il y avait un manque de reconnaissance par rapport aux institutions quand on jouait à la Coopé. Enfin maintenant c'est bon, c'est fait et après pour le public je me dis qu'on concerne une mine de public et y'a des moments où parce que c'ets des concerts gratuits y'a un public plus large qui va venir et il découvre quelque chose et c'est tant mieux. Mais après on fait pas de la musique populaire, ça j'en suis conscient et du coup tant mieux. Donc le but c'est d'être toujours là dans un territoire le plus large possible. Et c'est pour ça que les sorties des artistes étrangers c'est hyper intéressant parce que du coup ils font parler de nous un peu ailleurs. J'aime bien cet aspect discrétion aussi. C'est sain, c'est une progression. Ce qui me fait très peur c'est que les labels ça fonctionne souvent avec l'idée du buzz. Il faut faire le buzz le plus rapidement possible et à l'artiste de profiter de son buzz et après le buzz qu'est-ce qu'on fait? Et moi je veux absolument pas que ça se passe comme ça. Souvent quand tu fais un buzz en début de truc t'es pas au point sur plein de choses, tu peux pas maîtriser tout ça. Et je pense que c'est des problématiques qui se posent même avec des groupes de Clermont qui ont fait le buzz, je sais pas comment ils vont sortir de cette situation là. Je pense que c'est pas forcément facile.
Le Kiwi: Vous avez déjà fait des concerts où tout le Kütu jouait ensemble, vous avez le projet de réitérer ça ou c'était une expérience unique?
Alexandre: En fait on était tous habitués avec François et Damien à... En fait on a fait ça parce que beaucoup de gens nous demandaient si c'était possible d'avoir tout Kütu Folk et du coup on a fait ça comme ça, on était que 4. Alors ça ressemble pas à aucun des groupes finalement mais y'a des trucs qui étaient bien. Et au bout d'un moment on a progressé dans ce truc là, la coupe de capitale du rock de France, du monde... Et du coup on a participé avec le groupe et c'était une expérience, y'avait un gros groupe et là c'était bien, ça rendait les morceaux assez intéressants. Ca l'est d'autant plus qu'il y a des initiatives à l'étranger que je trouve intéressantes, comme Broken Social Scene au Canada de réunir plein d'artistes qui font des trucs un peu différents, de faire un super projet qui est pas pour autant un projet hyper accessible ou je sais pas quoi. Le mélange de tout ça donnait du folk un peu plus orchestré, j'ai trouvé ça intéressant. Et ça j'aimerais bien continuer à le faire mais c'est pas facile. Forcément il y a beaucoup de monde...
Le Kiwi: Le label en fait c'est plus pour pouvoir sortir des disques sans contrainte?
Alexandre: Oui voilà, moi j'avais eu des problèmes avec mon ancien label, c'était sur un label à Bordeaux et y'a eu beaucoup de contrôles sur l'enregistrement. Mais tout est payé donc tu te dis « bon ben je suis bien obligé d'accepter les critiques », c'est un directeur artistique un label. Et à la fin, j'avais quand même essayé de contrôler un maximum de choses et à la fin on m'a dit « bon pour l'ordre des morceaux je vais choisir » et j'étais « ah non non, ça ira pas, je les enregistre dans un ordre et je veux que ça sorte dans le même ordre ». Et non ils voulaient pas donc j'ai fait « bon ben je rachète le contrat ».
Le Kiwi: Au niveau de l'actualité il y a deux albums, pour le Delano Orchestra et Leopold Skin, qui sortent à la rentrée, comment s'est déroulé l'enregistrement et où en sont les projets de St Augustine et Pastry Case?
Alexandre: A la rentrée on sort les deux albums américains et canadiens, donc Evening Hymns et Hospital Ships. En octobre il y a celui du Delano, enregistré il y a assez longtemps en fait, en février. L'enregistrement s'est bien passé mais le truc c'est que la période qui était juste avant l'album c'était une période assez difficile où je me suis un peu cloitré et du coup je voulais absolument que l'album sorte, finir cette album pour sortir de là le plus vite. On avait un projet, on a appuyé sur play et du coup on l'a fait. C'était super bien, c'était pas facile psychologiquement, c'était pas une bonne période, mais à la fin l'album qui en ressort j'en suis très content et du coup j'essaye de faire le film maintenant qui correspond. Damine vient plus ou moins de finir d'enregistrer, il y a des mix à faire, donc là il est parti aux Etats-Unis et dès qu'il revient il va travailler sur ses mix, et c'est un super truc. C'est un super album parce que y'a une forme de virage qui est assez important, et je crois que c'est le cas pour le Delano aussi. Comme si on se retrouvait encore plus dans ce qu'on était, comme si on assumait plus ce qu'on avait envie de faire. Et Damien ça se ressent énormément. Quand il a fait des morceaux qui sont plus accoustiques, il assume à fond et quand c'est rock, noise, il assume aussi vraiment à fond et c'est très très bien. Je suis content de ce qui va sortir. Peut être qu'on a du mal à assumer ce qu'on a déjà sorti donc c'est bien.
Le Kiwi: Ca fait longtemps que Leopold Skin travaille sur cet album, parce que le dernier il l'avait enregistré il y a pas mal de temps...
Alexandre: Ouais, avant de partir au Canada donc oui ça fait longtemps. C'est peut être lui qui avait l'album écrit en premier, j'ai enregistré juste avant. Et lui il l'a enregistré chez Christophe Adam et nous on l'a enregistré dans un studio facile parce que les exigences justement de tout faire en même temps, c'était vraiment obligatoire de faire ça. Une vraie expérience, 42 minutes et après on arrête. Après l'album est presque enregistré, on a fait quelques arrangements, rajouté du violoncelle, des trompettes et tout ça et c'est bien, c'est brut. Je pense que St Augustine a bien avancé sur son album et il a toujours tendance à dire « moi de toute façon, soit j'en sortirais jamais soit ça sortira dans 10 ans » mais je crois qu'il a avancé et qu'il avance de plus en plus mais comme il est papa en plus, c'est peut être un peu moins facile. Mais il a envie et les nouveaux morceaux qu'il a fait sont super beaux donc j'ai hâte. Et Pastry Case, il s'y remet aussi, je crois qu'il en a fait deux, il a fait deux morceaux qui sont bien. Par contre ils ont aucune pression, on leur dit pas de faire un album avant la fin de l'année, ils font ce qu'ils veulent et une fois que l'album est prêt si le label existe encore ils peuvent le faire et sinon c'est la merde...
Le Kiwi: Donc voilà, achetez les disques! Vous allez tourner beaucoup du coup?
Alexandre: On sait pas trop, c'est toujours des problématiques qui sont différentes pour chaque groupe. Pour les artistes étrangers ils sont là sur une période courte donc on essaye de trouver le plus de dates, on travaille dessus. Et en même temps faut qu'on pense aussi à nous, et pour nous c'est un peu différent. François il travaille à côté donc c'est pas facile de le faire tourner et le Delano on a beaucoup tourné, un peu dans toutes les salles de France. Mais je pense qu'il faut que l'album plaise donc il faut qu'on envoie l'album et voilà. Ca se passe bien à chaque fois, vraiment, et puis les gens sont contents, le public est satisfait mais c'est pas facile non plus, parce que c'est pas très connu.
Le Kiwi: C'est vrai que le Delano c'est peut être le plus connu des 4...
Alexandre: Oui enfin tu vois, nous on est dans notre ville et pour les salles de concert ça reste un groupe en développement, c'est ça qui est un peu chiant.
Le Kiwi: Après vous faites des concerts vraiment abordables, à la rentrée c'est même gratuit pour les adhérents Coopé qui font peut être penser de vous que vous êtes un petit groupe...
Alexandre: Moi je trouve que c'est des relations différentes, parce qu'avec la Coopé, on reste sur des sorties d'album dans notre ville et du coup pour le public clermontois et les gens qui sont proches de nous, qui nous ont déjà vu et que ça intéresse c'est bien que ça reste pas cher. Mais s'il y a un club bien rempli ça serait bien.
Le Kiwi: Par exemple la première date de l'année, la journée du patrimoine, y'avait beaucoup de monde.
Alexandre: Ouais c'est vrai, n'empêche y'avait vraiment beaucoup de monde. C'était complet, y'avait des gens qui attendaient. Y'a eu plusieurs fois la file d'attente. Et c'était bien parce que justement c'est un concert où plein de gens sont venus et nous ont découvert, genre des personnes plus âgées, et ça me faisait presque penser à U2, tu fais ah ouais t'as pas beaucoup de références, mais c'est bien en fait. Tant mieux parce que c'est vrai que ça passe pas en radio et du coup on en entend pas parler mais c'est pas pour ça que c'est pas une musique qu'ils peuvent apprécier. Moi mes parents écoutaient pas de musique et à un moment ma mère était allée voir Vic Chesnutt en première partie d'un concert et « ouais j'ai vraiment adoré » donc voilà il faut donner l'accès aux gens une diversité de choix et le problème des médias et de la radio c'est que ça donne très peu de choix et les gens arrivent pas forcément à se retrouver, on a pas le choix. Ca m'attriste quand j'écoute les choix même de radios qui sont pas trop mal. Et puis ça demande une exigence personnelle de s'intéresser à tout ce qui sort, c'est pas facile. Après pour ceux qui sont dedans faut être tolérant vis-à-vis des gens qui y sont pas. C'est pour ça que j'aime bien les passerelles. La dernière fois sur France Inter y'avait Renan Luce, c'était une chanson, pas celle qui était connue mais c'était pas si mal finalement, et je me disais qu'ils allaient écouter ça les gens et après peut être que ça les amènera sur d'autres univers. Et en fait ce que je disais par rapport à cette chanson de Renan Luce qui était pas très connue je l'ai trouvée plus exigeante que les tubes qu'il avait fait avant, ce genre de truc pop, et je me disais tiens ça va peut être créer une sorte de recherche, faire une passerelle.
Le Kiwi: C'est comme ça qu'on découvre la musique. Enfin je sais que moi je m'y suis intéressée en trouvant des groupes et en regardant l'univers qu'il y avait autour, après ça grossit ça grossit et ça se recoupe.
Alexandre: De toute façon le but c'est que quand on achète des disques et qu'on a personne pour nous guider, au début on achète des disques de merde et au bout de deux ans on fait « ceux-là je vais les virer ».
Le Kiwi: Ouais y'a la discothèque idéale et la discothèque souterraine.
Alexandre: Ouais moi je les mets dans des petites boîtes et c'est bien parce que quand y'a des soirées on peut ressortir les petites boîtes et tu redécouvres tous les trésors pourris, ça fait des bonnes soirées. Et puis j'adore le r'n'b et tout ça. Je trouve ça bien d'écouter des musiques légères aussi. Tu vois c'est pas parce que je fais la musique que je fais, que je suis dans mon truc que je vais pas écouter des musiques légères .
Le Kiwi: Oui on avait interviewé un groupe de shoegaze de Brooklyn qui aimaient Beyoncé et Justin Timberlake.
Alexandre: Ouais j'aime les deux moi. Et après c'est pas ce qui va me transcender dans ce que je fais. Mais je trouve ça bien de s'y intéresser aussi et d'écouter des choses comme ça parce qu'en soirée t'écoutes pas notre musique, enfin merde faut le dire au bout d'un moment.
A suivre...

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