samedi 16 janvier 2010

It Ain't Gonna Save Jay Reatard

Pour peu que vous suiviez l'actualité musicale du milieu indie-garage américain (beaucoup de qualificatifs pour dire qu'en fait, notre objet d'étude n'est qu'un plouc américain ignoré très majoritairement par la presse en temps normal) vous êtes au courant de cette affreuse nouvelle. Jay Reatard, 29 ans, est mort. D'habitude les musiciens partent, je m'y fais, comme Vic Chesnutt le jour de Noël. Mais là, Jay, je sais pas, je n'arriverais pas à m'y faire. Impossible de croire que trois mois auparavant j'avais la chance de le voir cracher sa bière sur scène. Voilà, peut être une des raisons pour lesquelles je suis sous le choc : j'ai pu assister au seul (de l'année) et malheureusement dernier concert de la touffe-qui-bouge en France. Le plus étonnant étant que ce n'est pas à Paris qu'il a choisi d'exploser nos tympans, mais à Clermont-Ferrand (il avait annulé à Paris pour une sombre histoire de limitation de décibels...). Donc je ne vous cache pas ma joie quand j'ai vu sa touffe (lavée, j'avoue avoir été déçue par ce point) se balader tranquillement, l'oeil noir, à 2 mètres de moi (j'étais heureuse), une bière dans la main. Si je me souviens des détails, toujours plus intéressants que la chose dans sa globalité, il avait une chemise bûcheron à dominante rouge et un slim qui montrait à quel point un musicien c'est maigre. Pas autant que nos poulets de Horrors, mais quand même. Donc, après une première partie catastrophique d'un groupe régional et après avoir subi des choix.... bruyants du DJ résident (merci au Garage Club à la Coopérative de Mai pour nous péter les tympans assez régulièrement), les nouveaux musiciens de Jay se pointent sur scène. À savoir un bassiste et un batteur qui avaient une démarche... très étrange. Il était facile de voir que ces monsieurs avaient un penchant pour la bière à en juger par la circonférence de leur ventre, mais les petits regards du bassiste pendant le concert étaient des plus troublants. Il faut dire que je devais détonner au milieu de cette mini-masse (une quarantaine de personnes avaient du faire le déplacement, assez pitoyable) de trentenaires à moitié dégarnis. Le garage n'est pas sensé plaire à des filles de 18 ans, c'est ce dont je me suis rendue compte sur place, mais ça on s'en fout. Puis finalement Jay arrive, tonitruant, sous de faibles applaudissements, le public clermontois étant toujours d'une nature passablement timide, ce qui a le don de m'énerver. De mauvaise humeur le Jay : ni bonjour ni merde, on attaque directement dans le vif du sujet. Je dois avouer n'avoir jamais entendu quelqu'un jouer aussi fort. Et aussi longtemps. J'ai cru plusieurs fois au moment du set que plus jamais mes tympans ne pourraient me servir après cette torture auditive. Jay ne s'est pas arrêté pendant son concert. Sauf pour changer de guitare. Ainsi, j'ai aussi apris que oui, on peut faire du garage violent avec une acoustique. Comment, je ne sais pas, Jay a emporté la recette trop loin... Oh il nous a bien adressé la parole. Une fois tout du moins, mais c'était pour nous dire, par rapport à la limitation de décibels : "I apologize, this is not rock'n'roll", avant de repartir comme un fou dans sa chose avec des musiciens qui restaient bouche close. Je sais pas si ce n'était pas du rock'n'roll, mais c'était suffisamment fort pour le commun des mortels. J'aurais aimé vous donner la setlist, mais je n'ai pas eu le temps de la récupérer, Jay ayant quitté la scène comme ça, sans dire au revoir, en jetant sa chemise par terre, sans rappel, bien évidemment, et mes tympans ont été incapables de reconnaître autre chose que It Ain't Gonna Save Me, au milieu du flot de décibels. Je n'avais pas vraiment compris que c'était la fin et j'ai dû partir, moitié-frustrée moitié-heureuse, parce que malgré la mollesse du public, Jay il se donne sur scène. Même s'il avait l'air de parfois s'emmerder, il joue. Que ce soit pour son propre plaisir ou pour le notre, voire même parce que c'est son job, je m'en fous. Et même si une fois rentrée chez moi je n'avais qu'une envie, celle de vomir, Jay reste à mes yeux quelqu'un de bien. Un des derniers personnages rock'n'roll de notre génération. Je déteste dire ça, mais la vérité est : il va me manquer.

5 commentaires:

  1. "ignoré très majoritairement par la presse en temps normal"

    Je sais pas toi, mais moi j'ai pas eu l'impression que la presse faisait plus attention à lui maintenant, même pas un petit texte de 4 lignes dans les journaux. Enfin, ça doit être parce que "on a beau être en janvier, y'a d'autres choses à propos desquelles parler, donc on est pas obligé de parler de quelqu'un que personne connait pour pouvoir parler de quelque chose"

    RépondreSupprimer
  2. Non mais ce que je veux dire c'est que ceux qui ont parlé de sa mort c'est ceux qui parlaient déjà de lui de son vivant, ce que je veux dire, c'est qu'on voit quand même régulièrement un encadré timbre poste dans certains journaux non-musicaux quand ce genre de mecs meurt, mais là, niet.

    RépondreSupprimer
  3. Pour ma part je remercie Fakehorse (allias Camille) de m'avoir fait découvrir ce type qu'était Jay. J'ai direct pris une claque en écoutant sa musique.
    C'est un bel hommage que vous lui rendez en publiant cet article. Moi j'avais appris la nouvelle de sa mort sur la radio Le Mouv' le matin. Comme quoi, il reste des gens avec une vraie culture rock et capables de lui rendre un hommage (même minime).

    Je vous souhaite une bonne continuation (avec un tel nom, c'est pas gagné. Je sais vraiment pas qui en a eu l'idée :D).

    PS : Les Horrors devraient vraiment manger un peu et boire de la bière

    RépondreSupprimer
  4. BIEN DIT MONAT (cela dit, je ne crois pas que ce soit un des derniers rocknroller de notre génération, on ne va pas déconner, il n'est pas le seul à jouer très fort en crachant de la bière (je pense à toi là))

    RépondreSupprimer
  5. Oui, ça fait pas mal de morts.

    @Perroline/Pebble : Je clapclap ton retour ! Je t'avais laissé un commentaire sur ton feu blog il n'y a pas très longtemps ;) Bonne continuation au Kiwi.

    RépondreSupprimer